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A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 03:16

Dans une chronique précédente (« L’influence d’une enfance défavorisée et d’une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques sur le fonctionnement et le déclin cognitif des personnes âgées »), nous avons montré qu'une enfance défavorisée et une histoire de problèmes psychiatriques ou psychologiques contribuent à façonner le fonctionnement et le déclin cognitifs des personnes âgées.

 

On sait par ailleurs que le décès des parents durant l’enfance ou l’adolescence constitue un événement particulièrement stressant pouvant affecter le bien-être ultérieur au plan émotionnel, cognitif, social, spirituel et physique.

 

Norton et al. (2010) ont examiné dans quelle mesure un décès parental précoce pouvait représenter un facteur de risque de vieillissement cérébral/cognitif problématique (de « maladie d’Alzheimer »). Ils ont examiné les données de 3’538 personnes sans « démence » et de 570 personnes ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer » : les personnes (âgées de 65 à 105 ans) avaient été suivies 4 fois, tous les 3 ans (depuis 1995), et soumises à un protocole d’examen clinique détaillé. Les informations suivantes ont également été obtenues via une base de données objective : les dates de décès des parents, le statut socioéconomique durant l’enfance/l’adolescence et le remariage parental en cas de veuvage.

 

Les résultats montrent que le décès de la mère durant l’adolescence est significativement associé à un risque plus élevé (de plus de deux fois) de « maladie d’Alzheimer » après avoir contrôlé pour l’âge, le genre, le niveau de scolarité, le génotype ApoE et le statut socioéconomique. On constate également que le décès du père durant les 5 premières années de la vie est aussi associé à un risque augmenté de « maladie d’Alzheimer », mais cette relation est plus faible (elle n’atteint pas le seuil de signification après la prise en compte de toutes les covariables). Ces associations se maintiennent après ajustement pour l’âge parental à la naissance des personnes. Par ailleurs, des analyses supplémentaires montrent que l’association entre le décès parental et le risque de « maladie d’Alzheimer » n’est présente que si le parent veuf ne s’est pas remarié.

 

Il faut enfin relever que la relation entre le décès parental précoce  et la « démence » n’est pas été observée chez des personnes ayant reçu un diagnostic de « démence non-Alzheimer » (analyse effectuée sur un échantillon supplémentaire de 266 personnes parmi lesquelles 107 avaient une « démence vasculaire »).

 

L’association observée entre le décès parental précoce et le risque de « démence »  est très vraisemblablement liée à de nombreux facteurs (stress, sentiment de solitude, sentiment d’abandon, perte de soutien émotionnel, etc.), dont l’influence est modulée par différents modérateurs personnels et sociaux (comme la personnalité, l’estime de soi, le soutien familial, scolaire et social, etc.).

 

Le fait que l’association entre le décès parental et le risque de « démence » subsiste après prise en compte du statut socioéconomique durant l’enfance/l’adolescence suggère que cette association n’est pas le reflet de l’impact socioéconomique du décès parental (avec ses éventuelles conséquences sur la nutrition, la qualité de l’habitat, l’accès aux soins, etc., autant de facteurs qui pourraient avoir affecté le vieillissement cérébral/cognitif). Les auteurs reconnaissent cependant que l’information sur le statut socioéconomique manquait pour un grand nombre de participants.

 

Des études ultérieures devraient être menées afin de confirmer cette association et  de  tenter d’en comprendre la nature, en évaluant la contribution de certaines dimensions psychologiques telles que l’anxiété, la vulnérabilité au stress, la dépression, les stratégies de régulation, etc.

 

Il s’agirait en outre de réexaminer le caractère apparemment spécifique de l’association entre le décès parental précoce et la « maladie d’Alzheimer », en prenant en compte le fait que l’étude de Norton et al. a utilisé les critères traditionnels de cette soi-disant « maladie » (basés sur la présence de troubles prédominants de mémoire épisodique), critères dont on a vu le caractère très contestable (voir notre chronique « L’empire Alzheimer ne désarme pas ! »). En fait, cette spécificité pourrait plutôt refléter l’influence du décès parental précoce (et de ses conséquences) sur un domaine cognitif particulier et le réseau cérébral qui y est associé (par ex., l’effet de la vulnérabilité au stress sur la mémoire épisodique et les structures cérébrales impliquées, dont l’hippocampe).

 

Il importe enfin d’envisager ces résultats, notamment les différences entre l’influence du décès de la mère et du père, en tenant compte du contexte social des participants et de la répartition des rôles parentaux qui y était associée. Il faut en effet relever que cette étude a été menée dans une région rurale du nord de l’Utah et que la majorité des participants étaient des fermiers.

 

deces-parents.jpg© limalo - Fotolia.com


Norton, M.C., Smith, K.R., Ostbye, T., Tschanz, J.T., Schwartz, S., Corcoran, Ch., et al. (2010). Early parental death and remarriage of widowed parents as risk factors for Alzheimer Disease: The Cache County Study. American Journal of Geriatric Psychiatry, à paraître (doi: 10.1097/JGP.0b013e3182011b38).

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