Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

A propos des auteurs

  • Martial Van der Linden est docteur en psychologie, professeur honoraire de neuropsychologie et psychopathologie aux Universités de Genève et de Liège. Une partie de ses travaux est consacrée aux effets du vieillissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne, et ce, dans une perspective plurifactorielle et intégrative.
  • Anne-Claude Juillerat Van der Linden est docteure en psychologie, chargée de cours à l'Université de Genève et psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie. Après 20 ans en tant que responsable à la Consultation mémoire des Hôpitaux universitaires de Genève, elle a créé et dirige la consultation "Vieillir et bien vivre" à la maison de santé Cité Générations.
  • Tous deux ont fondé en 2009 une association du nom de VIVA (Valoriser et intégrer pour vieillir autrement), qui promeut à l'échelle locale des mesures de prévention du vieillissement cérébral problématique.

Rechercher Dans Le Blog

Pour nous contacter

Pour nous contacter, vous pouvez nous écrire à :

contact@mythe-alzheimer.org

16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 20:45

sur les capacités cognitives, physiques et fonctionnelles de personnes avec une « maladie d’Alzheimer » : une étude randomisée contrôlée.

 

Plusieurs études épidémiologiques et d’intervention ont mis en évidence les effets positifs d’une activité physique sur le fonctionnement cognitif des personnes âgées « non démentes » ainsi que sur la prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique (voir notamment nos chroniques « Apprendre à utiliser un ordinateur et pratiquer des exercices physiques : des interventions bénéfiques au fonctionnement cognitif des personnes âgées » ; « De nouvelles données appuyant l’intérêt de mesures de prévention du vieillissement cérébral/cognitif problématique, en lien avec le style de vie» ; « Les relations entre la marche et le fonctionnement cognitif chez les personnes âgées : Optimiser la marche et l’équilibre par une approche intergénérationnelle » ; « L’effet bénéfique d’une activité physique durant la cinquantaine sur le fonctionnement cognitif et la présence d’une démence évalués 26 ans après »).

 

Par ailleurs, il existe également des données suggérant que des exercices physiques peuvent améliorer le fonctionnement de personnes présentant déjà un vieillissement cérébral/cognitif problématique (une « démence »), et ce tant au plan cognitif (voir la méta-analyse de Heyn et al., 2004) que fonctionnel (Rolland et al., 2007).

 

Récemment, dans une étude randomisée contrôlée d’une durée de 4 mois, Vreugdenhil et al. (2011) ont évalué l’efficacité d’un programme d’exercices physiques, réalisé à domicile sous la supervision d’un proche aidant, pour l’amélioration du fonctionnement physique et cognitif ainsi que de l’indépendance de personnes ayant reçu le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ».


Quarante personnes (16 hommes et 24 femmes) ont participé à cette recherche (sur les 64 qui y avaient été invitées) : elles avaient un âge moyen de 74.1 ans (51-89) et un score moyen au MMSE de 22 (10-28). Ces personnes ont été aléatoirement allouées au groupe « exercices en plus du traitement habituel » et au groupe « traitement habituel ». Les personnes du groupe « traitement habituel » ont reçu le programme d’exercices physiques dès la fin de l’étude.

 

Le programme d’exercices physiques comportait 10 exercices simples (chacun avec 3 niveaux de difficulté), focalisés sur la force et l’équilibre des parties supérieures et inférieures du corps. La faisabilité du programme avait été préalablement testée sur 12 personnes présentant une « démence ». En plus des exercices, les personnes devaient également marcher d’un bon pas pendant 30 minutes. Il leur était demandé d’effectuer les exercices et la marche quotidiennement, autant que possible. Les personnes avec « démence » et les proches reçurent un entraînement au programme ainsi qu’un manuel contenant une description et une illustration des exercices ainsi que des consignes de sécurité. Durant les 4 mois, les personnes des deux groupes recevaient un appel téléphonique toutes les 2 semaines afin de contrôler leur bien-être et l’on interrogeait les personnes du groupe « exercices » sur leur progression dans le programme.

 

Tous les participants ont été évalués sur diverses mesures lors de la ligne de base et après 4 mois, par un évaluateur non informé de l’appartenance des personnes aux 2 groupes. Les évaluations ont porté sur le fonctionnement cognitif et physique, les activités de la vie quotidienne (ADL et IADL), la dépression et le changement dans le fonctionnement global, et ce via des échelles standardisées. Des mesures de la taille, du poids, du tour de taille et de hanche ont également été prises, à partir desquelles ont été calculés l’indice de masse corporelle et le rapport tour de taille/tour de hanche.

 

Le fonctionnement cognitif a été évalué par la sous-échelle cognitive (ADAS-Cog) de l’ « Alzheimer’s Disease Assessment Scale », ainsi que par le MMSE. En ce qui concerne le fonctionnement physique, l’équilibre (« Functional Reach Test »), la mobilité fonctionnelle (« Timed Up and Go Test ») et la force de la partie inférieure du corps (« Sit-to-Stand Test ») ont été évalués. Les activités de la vie quotidienne ont été évaluées par le « Barthel Index of Activities of Daily Living » et l’«Instrumental Activities of Daily Living Assessment ». De plus, la dépression a été évaluée par la version courte de la « Geriatric Depression Scale ». Le changement global de fonctionnement a été exploré au moyen du « Clinician’s Interview-Based Impression of Change plus Caregiver Input : CIBIC-plus » (une échelle à 7 niveaux évaluant le changement global). Enfin, le fardeau du proche a également été évalué, au moyen du « Zarit Burden Interview ».

 

Aucune différence significative entre les deux groupes n’a été observée, lors de la ligne de base, en ce qui concerne l’âge, les années de scolarité, le MMSE, le nombre d’heures de marche par semaine, l’indice de masse corporelle et le fardeau du proche aidant. Afin dévaluer le changement après 4 mois, une analyse avec modèle linéaire général a été réalisée pour tester la différence dans le changement individuel moyen entre la ligne de base et le suivi à 4 mois pour les différentes variables d’intérêt, et ce en contrôlant l’influence possible de l’âge, du genre, du nombre d’années d’études et le score lors de la ligne de base pour la variable considérée.

 

Les résultats montrent que le fonctionnement global des personnes du groupe « exercices » s’est significativement amélioré par rapport aux personnes du groupe « traitement habituel » (CIBIC-plus : groupe « exercices » = minimalement amélioré ; groupe « traitement habituel » = minimalement moins bon).

Par ailleurs, en comparaison au groupe « traitement habituel », le score du groupe « exercices » au MMSE a augmenté de 2.6 points (p = .001) et a diminué à l’ADAS-Cog de 7.1 points (p = .001, un score plus bas reflétant un meilleur fonctionnement cognitif).

Le fonctionnement physique s’est également amélioré dans le groupe « exercices » en comparaison au groupe « traitement habituel » : meilleur équilibre (« Functional Reach » accru de 4.2 cm, p = .032), meilleure mobilité (2.9 sec plus rapide au « Timed Up and Go », p = .004) ; force accrue de la partie inférieure du corps (2.7 changements assis-debout supplémentaires durant 10 secondes ; p < .001).

De même, le score des ADL a augmenté dans le groupe « exercices » (accroissement de 2.6 points, p = .047) ainsi que le score des IADL (accroissement de 1.6 points, p = .007). Il faut également relever une diminution du rapport tour de taille/ tour de hanche dans le groupe « exercices » (réduction de .03, p = .023). Il existait également une tendance (non significative) à l’amélioration de la dépression et du fardeau des proches.

 

Initialement, les proches aidants devaient être les « entraîneurs personnels » des personnes avec « démence », mais beaucoup d’entre eux ont rapporté que cela fonctionnait mieux quand ils effectuaient aussi eux-mêmes les exercices. Par ailleurs, les proches aidants ont décrit combien ils appréciaient de faire quelque chose de positif pour les personnes avec « démence », plutôt que de réaliser les tâches routinières de soins, souvent source de frictions et d’indices de déficits. En outre, même si cela n’a pas été formellement évalué et si une amélioration significative du fardeau n’a pas été observée, les proches aidants ont rapporté se sentir globalement mieux après les 4 mois d’exercices. Enfin, la marche régulière dans le voisinage a constitué pour les proches un aspect particulièrement apprécié, en leur fournissant l’opportunité de contacts sociaux, en plus des bénéfices liés à l’activité physique.

 

Certaines limites de cette étude doivent être mentionnées. En particulier, il n’est pas possible de déterminer si c’est le programme d’exercices physiques en tant que tel qui a été efficace ou si c’est aussi l’aspect social de l’intervention : des études ultérieures devraient inclure une intervention de contrôle avec une composante sociale comparable. De plus, il se pourrait que, comme les personnes avec une « démence » et les proches étaient informées qu’elles étaient dans un des deux groupes, avec ou sans exercices, il se pourrait que celles du groupe « exercices » aient développé une attente de progrès et celles de l’autre groupe une attente de déclin. Enfin, le programme a été administré pendant une durée assez courte et il serait dès lors intéressant de réaliser une étude sur une durée plus longue et d’examiner le maintien des bénéfices à plus ou moins long terme.

 

En conclusion, cette étude suggère que la participation à un programme d’exercices physiques, à domicile et sous la supervision d’un proche, peut améliorer le fonctionnement cognitif et physique ainsi que l’indépendance fonctionnelle des personnes ayant reçu un diagnostic de « maladie d’Alzheimer ». Quand on connaît l’inefficacité globale des médicaments « anti-Alzheimer », il y a là une piste prometteuse d’intervention, pouvant aisément être mise en place dans la communauté.

 

training.jpg© Robert Kneschke - Fotolia.com

 

Heyn, P., Abreu, B.C., & Ottenbacher, K.J. (2004). The effects of exercise training on elderly persons with cognitive impairment and dementia: a meta-analysis. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation, 85, 1694-1704.

Rolland, Y., Pillard, F., Klapouszczak, A., Reynish, E., Thomas, D., Andrieu, S., Rivière, D., & Vellas, B. (2007). Exercise program for nursing home residents with Alzheimer’s disease: a 1-year randomized, controlled study. Journal of the American Geriatrics Society, 55, 159-165.

Vreugdenhil, A., Cannell, J., Davies, A., & Razay, G. (2011). A community-based exercise programme to improve functional ability in people with Alzheimer’s disease : a randomized controlled trial. Scandinavian Journal of Caring Sciences, sous presse (doi: 10.1111/j.1471-6712.2011.00895.x) 

Partager cet article
Repost0

commentaires